Boire ou conduire il faut choisir. S’il y a bien un endroit où il faut l’appliquer c’est bien ici.
La Ruta 40 entre San Antonio et Cachi (au nord ouest du pays) est certes la plus belle route que je n’ai jamais vue mais aussi la plus dangereuse (à-pics vertigineux, ruisseaux gelés à traverser…). Aussi je comprends les loueurs de voiture qui l’interdisent formellement à leurs clients. Le nôtre avait dû trop pester après le match catastrophe de l’Argentine et avait oublié de nous le dire…
Nous voilà donc partis de San Antonio de los Cobres, célèbre pour son train dans les nuages : l’un des plus hauts du monde, l’aqueduc final culmine à 4220m.
Sur la route, personne, les seules personnes croisées sont mortes, en effet, quelques cimetières ponctuent la piste, qui laisse la place aux animaux sauvages : vigognes (sorte de lama-biche), oiseaux, renards viennent nous saluer. Il faut dire que le climat est rude, à 4995m, il y a un peu de zef !
Après une halte à Cachi, nous changeons de décor : le sol se fait plus vert, les vignes apparaissent. Nous arrivons à Cafayate, riche ville célèbre pour son vin. De vieilles maisons coloniales, une place carrée à l’espagnole, tout y est pour profiter de la douceur de vivre après l’aridité froide du nord de Salta.
De nombreuses bodegas proposent la visite, aussi nous choisissons une à taille humaine : José L Mounier et ses 30 000 litres de vin par an. Malbec, Cabernet Sauvignon et Tannat (aux arômes puissants et tanniques, à la limite du vin cuit) sont ici cultivés au pied des montagnes. Les vignes ont des conditions particulières : sol pierreux (on sent d’ailleurs bien la minéralité dans certains vins), une terre drainée par les eaux des montagnes, 320 jours de soleil par an, et un climat sec, tout est réuni pour faire un vin de qualité.
Mais aussi bien d’autres produits chers à la parfumerie : à San Carlos, ce sont les piments rouges (hélas déjà coupés lors de mon passage), et toutes sortes d’épices : poivre, baies roses, anis. En poussant plus vers le Sud après Tucuman, c’est le territoire des agrumes : orange, mandarines, et citrons dont l’Argentine est le premier exportateur…
Notre guide vigneron nous raconte le rapport des argentins avec le vin : si la boisson existe depuis longtemps en Argentine (les vignes ont été importées par les jésuites pour faire le vin de messe !…), la culture et la connaissance sont relativement récentes.
Son père par exemple mélangeait son vin avec du coca. Au restaurant, le vin rouge est souvent servi trop frais, (on leur pardonne, la viande est si bonne) ; certains mettent même des glaçons dans leur verre… sacrilège !
Mais le savoir-faire est là, (les tonneaux français aussi) et la culture s’acquiert.
A un mois de mon retour, je me dis que mon sac à dos n’est plus à 1kg près, j’y glisse une petite bouteille !… un autre souvenir olfactif de la région.
A Buenos Aires, j’avais associé le malbec au tango et sa sensualité troublante ; je penserai maintenant aussi au désert et au soleil rasant les montagnes aux 14 couleurs.
Un petit verre, et hop Abra Quebrada ! C’est déjà le retour sur Salta, un dernier canyon, histoire de rêver devant les formations rocheuses spectaculaires d’un océan disparu.
Encore un prétexte pour ne pas conduire…
Quebrada de Las Conchas