Il suffit de passer les grandes portes bleues pour ressentir la joie. Des cris d’enfants, des éclats de rire, un personnel bienveillant… Comment peut-on imaginer devant cette ambiance bon enfant les drames qu’il y a derrière ?
Si on nous raconte l’histoire de cette école, on ne peut y croire, il faut voir les images pour le concevoir. Nous avons regardé le film les Pépites sur place, histoire de se rappeler la genèse de l’association Pour un Sourire d’Enfant. Voir les enfants du documentaire et les retrouver en vrai dans la cour nous donne une petite claque. Mamy et Papy, comme on les appelle ici, ont vraiment réalisé un exploit en très peu de temps. Arrivés au Cambodge à leur retraite, ils n’ont pu supporter de voir les enfants fouiller la décharge de Phnom Penh pour survivre.
« L’odeur insupportable de la décharge » explique Christian des Paillières dans le film. « On ne pouvait qu’avoir envie de pleurer ou de crier. » Ils ont certainement pleuré, mais ils ont su transformer leur colère en une association incroyable. L’école compte aujourd’hui 6000 élèves, couvrant tous les niveaux scolaires, du primaire aux écoles professionnelles, hôtellerie, coiffure, mécanique, école de commerce… Les bâtiments s’étendent sur 42 hectares et continuent de s’agrandir.
Si Papy s’est éteint en septembre 2016, sa femme Marie-France et leur fille Leakhena continuent leur mission avec la même passion.
Nous sommes arrivés le 31 Décembre au soir, c’était le we donc il ne restait que les pensionnaires. Ils ne rentrent pas chez eux car ils n’en ont pas, parce que leur famille ne peut pas les recevoir, ou parce qu’ils en ont été retirés pour les protéger.
L’ambiance est assez calme par rapport à la semaine. On commence en douceur. Nous sommes au debut très intimidés, puis le contact se noue rapidement malgré la barrière de la langue. Mon aîné sort son rubikscube, le cadet, son carnet de dessin ; une petite fille nous prend irrésistiblement la main et c’est parti.
Le temps est passe très vite dans cette école, nous n’avons pas visité la ville, nous sommes restés 3 jours dans cette bulle à regarder les enfants, jouer avec eux et vivre à leur rythme : réveil à 6:00, gymnastique de 30 minutes à 6:45, lever du drapeau et hymne à 7:45 puis le début des cours.
Il est frappant de voir comme les enfants sont autonomes, ils nettoient tous leur chambre, leur classe (balayer la cour est le sport national), lavent leurs propres vêtements, font la vaisselle tous les jours.
Nous avons raconté notre voyage aux plus grands, qui étaient contents de voir des photos de pays lointains. Durant un après-midi, nous avons proposé un atelier olfactif aux enfants scolarisés pour la première année à l’école. On y voit de tous les âges et de tous les caractères. J’avais improvisé du matériel chiné dans la cuisine et les quelques flacons que j’avais depuis le début du voyage (merci Alexandre de Firmenich 😁). Mais je me laisse complètement débordée par l’arrivée surexcitée des plus petits. On est loin du calme attentif des élèves de l’ESP !… ils s’amusent à jouer à tout mélanger, tapotent sur le clavier de l’ordinateur, sentent en rigolant, font parfois la grimace. Une des éducatrices vient à la rescousse, elle parle khmer, ça aide !… on peut commencer en petits groupes.
Je retiendrai leur avidité à tout sentir. Une des petites a d’ailleurs passé l’atelier le nez dans mon cou ; Anthony qui nous a accueilli dans le centre m’expliquera plus tard, qu’ici ils n’embrassent pas mais se reniflent beaucoup. De l’étonnement face à la pomme qu’ils ne connaissent pas (on en trouve mais elles sont trop chères), le litchi qu’ils reconnaissent à tous les coups. La rose qu’ils adorent, la vanille qu’ils n’aiment pas tous. Une des animatrices me raconte qu’ils avaient un jour préparé des crêpes à la vanille, un vrai fiasco, les enfants n’avaient pas du tout aimé, même échec avec le Nutella.
Ici la mangue est le dessert préféré, ils la mangent très verte et ferme, avec une saumure de poisson, un dessert à partager entre copains avant de se coucher. J’ai testé la version soft (sans poisson), intriguée de les voir délaisser les mangues bien mûres qu’on adore. Une tranche craquante assaisonnée d’un mélange de sucre, sel et piment est finalement un vrai régal.
Je discute avec Claire, éducatrice des enfants handicapés. Ils en ont une cinquantaine répartis sur plusieurs centres. Nous échangeons longuement sur l’intérêt de les stimuler par les sens, l’olfaction est une bonne façon de prendre contact avec eux et de les faire réagir. Elle regrette qu’on n’en parle pas plus dans les programmes de formation pour le métier d’éducateur. Il reste hélas encore du chemin à parcourir dans la santé pour l’odorat…
Le séjour s’achève, il est temps de dire au revoir, quelques derniers câlins avant le départ du tuc-tuc, je n’ose pas imaginer le déchirement des jeunes volontaires qui restent ici 3 à 6 mois dans l’association.
Merci à Anthony, toute l’équipe de PSE et surtout merci Papy et Mamy pour l’exemple d’humanité que vous nous donnez.
PSE : https://pse.ong
À voir absolument : le film Les Pépites sur l’association.